Impossible de l’oublier cette petite chanson, surtout si, comme moi, vous preniez vos repas à la cantine. Je détestais la cantine ! Déjà, il fallait faire la queue. Ce qui voulait dire sortir à toute vitesse de classe, jeter son cartable sur une pile, en vrac, dans un couloir où immanquablement l’un de nous allait se vautrer en se prenant le pied dans le tas. Ensuite, se ruer sur un plateau. Jamais propre évidemment, rapidement essuyé avec un torchon pas net, c’est à peine si j’osais y poser mon quignon de pain. Et puis, c’est sans compter sur l’accueil des dames de la cantine. Je pense me souvenir que le sourire était en option.
La salle de la cantine était un endroit bruyant. Sur la table, des carafes d’eau dans lesquelles flottaient des morceaux de pain ou pire. Le rituel consistait toujours à aller vider cette carafe et à la remplir d’eau fraiche par crainte qu’un petit plaisantin ait craché dedans.
Quant aux propriétés nutritives des menus proposés, je crois que je ne les mentionnerais même pas. Des féculents, ça pour sûr, quelques légumes sans couleur, du poisson carré avec les yeux dans les coins, bref, rien qui vous donne envie, à un âge où il est important de goûter à tout, d’explorer au-delà des limites gustatives du plop cantinien.
Et bien mes Nains ne vivront pas ce calvaire. Petit Nain piaffe d’impatience à la perspective de prendre ses repas à la cantine avec ses collègues. Il faut dire que le bâtiment est tout neuf et c’est un comité constitué de parents, d’enseignants et de membres de l’administration qui s’est penché sur la conception du réfectoire. Des lignes modernes, des couleurs gaies et un personnel tiré tout droit d’un centre de formation Disney. Dans cette cantine, on est heureux de nourrir les mioches !
L’accent est mis sur une nourriture saine et équilibrée et chaque semaine, sont proposés à nos Nains, des menus asiatiques, occidentaux et végétariens. Les plats sont préparés avec des méthodes de cuisson saines (seul un plat par semaine peut être proposé frit) et tous les jours, les repas sont servis accompagnés de salade ou légumes. Fruit au dessert obligatoire. Et à l’heure du snack, le matin, 4 options sont offertes. Tout ça tenez vous bien, pour 4 euros par jour.
Quant aux bousculades dans la queue, que nenni ! Les plus jeunes sont servis en premier, puis 20mn plus tard, les moins jeunes, et enfin 20 mn plus tard les vieux Nains du primaire. Il est bien entendu interdit de courir dans les couloirs et les tas de cartables croche-pieds ne sont pas autorisés. Je pense que les carafes d’eau n’auront rien à se reprocher.
Quant à la question critique des manières à table, là non plus, je ne me fais pas de souci. Les Nains sont surveillés par des enseignants à qui ils doivent demander la permission de se lever de table et de quitter la cantine lorsqu’ils ont terminé leur repas. On ne gueule pas comme un baudet pour appeler son collègue à venir s’asseoir, on chuchote pour se raconter les derniers potins et il est impératif de dire « s’il vous plait » et « merci » au personnel. Manger avec les doigts vous envoie direct au coin et l’usage des couverts appropriés est enseigné et encouragé.
Personne ne forcera votre Nain délicat à manger ce qu’il y a dans son assiette mais il sera fortement encouragé à goûter et plus si affinité. De toute façon, le mien mange de tout et n’est pas trop regardant. Quant au choix des plats, il se fait grâce à des bracelets de couleur. Selon le choix des parents (et de l’enfant), il sera remis au Nain, le matin, un bracelet rouge pour le repas occidental, vert pour le repas végétarien et blanc pour le repas asiatique. En fin de déjeuner, le Nain rend son bracelet qui est alors désinfecté et remis en circulation pour le lendemain. Craché, juré, je ne vous mens pas.
Donc somme toute, quand on m’a demandé si j’étais pour ce nouveau concept de cantine – et éviter ainsi la confection de lunch boxes ultra saines à 6h du mat – pensez bien que je me suis hâtée de dire oui.