La question redoutée ! Qui, depuis que je prépare mon marché de Noel, s’ajoute à celle du « à ton avis, combien tu vas vendre ça ? ».
Et là, je dois vous avouer que je suis vraiment dans le grand vide. La plupart des gens n’ont aucune idée du prix des matériaux requis pour réaliser un ouvrage fait main et s’étonnent toujours. Il n’y a pas que le tissu. Il faut également compter le fil, la machine à coudre, le molleton, le temps… Et pourtant, certaines personnes s’attendent à payer le prix d’une couverture molletonnée de supermarché un patch entièrement fait à la main. Et quand on sait que certains magasins vendent ces produits pour une bouchée de pain… A quoi se référer dans ce cas ? Des sites comme Etsy ? Mais qu’est-ce qui me dit que la personne qui y vend un quilt a pris la peine d’acheter du tissu de bonne qualité pour réaliser son ouvrage ? Et y a mis tout son amour ? Peu nombreux sont ceux/celles qui comprennent réellement la valeur du temps et des compétences requises pour produire un ouvrage maison et qui sont prêts/prêtes à y mettre le prix.
C’est donc dans l’optique de mon marché de Noël que j’ai commencé à vraiment réfléchir à mes prix.
Commençons d’abord par considérer le coût des matériaux. Le prix du tissue varie grandement en fonction de sa provenance. Si je me fournis en tissu à China Town, je trouve du « faux liberty » de très bonne qualité et qui fait beaucoup d’effet pour le tiers du prix du « vrai liberty ». Si je vais chercher mes cotons à la petite boutique du coin, celle-ci me fait payer 15 euros un tissu que je trouve à 10 euros 20 km plus loin. Il est donc évidemment qu’il va me falloir explorer afin de me fournir au plus bas prix.
Au métrage de tissu, il convient de rajouter le prix du fil, du molleton, du tissu de dos, des aiguilles, de la lame de mon cutter, des épingles à sandwich, du fil à quilter et enfin de mon biais. Rajoutez à tout ça le prix de mon équipement.
Donc pour faire un quilt de taille normale, j’ai besoin d’environ 3,90 mètres de tissu à 15 euros, de 3,90 mètres de tissu à 10 euros pour le dos et de molleton, plus aiguilles et autres babioles. J’ai calculé grossièrement qu’une dépense de 116 euros est nécessaire pour se lancer.
Vient ensuite la question épineuse du coût de mon temps.
“La vente de quilts est mon business” – Dans ce cas, je dois décider d’un salaire minimum. Mais j’effectue un travail qualifié et le salaire minimum est bien trop bas pour la tâche accomplie. Il a fallu que j’apprenne à me servir d’une machine à coudre spécialisée, que je me fournisse en matériel adapté, que je coupe et assemble mes tissus et que je quilte mon ouvrage. J’ai même du suivre des cours pour arriver à mon niveau de compétence actuel. Donc pourquoi devrais-je me faire payer le minimum ?
Un quilt de taille décente prend entre 20 et 30 heures pour être réalisé en fonction de la complexité des blocs. Disons donc que j’ai passé 25 heures à coudre le quilt de Madame MachinTruc qui rechigne à me payer. Le salaire minimum par heure en France en 2014 est de 8,86 euros (tellement plus simple que 9 euros, vous ne trouvez pas ?). Donc 25 x 8,86 = 221, 5 euros. Somme que je dois rajouter à mon coût de matériel. Ca commence à chiffrer !
« Je vends des quilts pour mon plaisir et je n’ai pas besoin d’argent. Le coût de mon temps importe peu et je ne veux que rembourser le coût des matériaux. » Et c’est là que ça devient une très mauvaise idée. Certes, je vendrais plus de cette façon mais que vont dire celles qui vendent des produits de qualité et à qui je fais sérieusement concurrence ? N’est-ce pas montrer le mauvais exemple et mettre dans la tête de mes clientes qu’il n’y a aucune raison pour qu’un quilt coûte plus de 100 euros ? Et comment vais-je faire pour couvrir le coût de l’électricité, de mon espace de travail et de vente ? Pourquoi dans ce cas ne pas plutôt faire des quilts pour des organismes caritatifs ?
La majorité des quilteuses se servent d’une machine électronique. La mienne était un cadeau de Noël de Monsieur 3xrien mais j’en connais le prix puisque je travaillais dans la mercerie où il l’a achetée. Et elle n’est pas tombée de la botte du Père Nono ! Je dois donc prendre en compte le coût de dépréciation de l’équipement que j’utilise pour créer et vendre mes ouvrages : machine à coudre, fer à repasser, table à repasser, tapis pour découper le tissu, lame, règles…
Ajoutez à tout ceci le coût de l’électricité et de l’eau (pour laver mes tissus) et le prix monte, monte… La plupart des quilteuses ne déclarent pas ce qu’elles gagnent mais celles qui le font doivent évidemment incorporer les taxes.
Il ne me reste plus que l’option “je dois vendre mes ouvrages au prix du marché”. Cela veut-il dire qu’un quilt qui m’a coûté plus de 110 euros en matériaux et plus de 25 heures à réaliser doit être vendu en-dessous de son prix réel sous prétexte que c’est comme ça et pas autrement ? Et bien, je crois que je préfère dans ce cas m’abstenir. Perdre de l’argent n’a aucun sens. Il est préférable de refuser de vendre un ouvrage en-dessous de son prix réel et de faire ainsi prendre conscience à sa clientèle de la qualité de son travail et de la fierté que l’on y a mis.
Forte de toutes ces recherches, j’ai donc décidé de vendre de toutes petites babioles à tout petit prix mais également des ouvrages plus chers qui m’ont demandé beaucoup plus de temps à réaliser. Et l’un de ces ouvrages est l’ange de Noël.
Vous reconnaitrez le design Tilda. Oui je sais, je ne suis pas censée vendre ces anges sans autorisation mais d’autres se gênent peu. Je n’ai néanmoins pas l’intention d’en assumer la maternité, simplement la réalisation en très petite quantité puisque je n'en propose que trois modèles. Et je doute que quiconque vienne me chercher jusqu’ici.