Jamais plus jamais
Je vous mets de suite dans l’ambiance, inutile de vous le cacher plus longtemps. Je viens de terminer la lecture d’un bouquin pour lequel son auteur n’a vraiment fait AUCUN effort en matière de recherches. Et pourtant, on déclare dans la presse littéraire que Madame Agnès, je cite, « fait aujourd’hui partie des auteurs les plus lus en France ». Madame Martin-Lugand serais-tu une copine de Musso ?
Remarquez, je ne vais pas pleurer sur l’achat de ce bouquin car je l’ai trouvé dans une brocante pour un euro. Par contre, bêtement, je ne me suis pas contentée d’en acheter seulement un. Je n’ouvrirai donc même pas le deuxième et il ira de suite dans une banque du livre rendre une autre de mes compatriotes heureuse.
En plus, quand on sait que les droits d’adaptation cinématographiques ont été achetés par The Weinstein Company, ça me donne immédiatement envie d’aller le brûler.
Je vous dois évidement des explications pour justifier ma déconvenue ! Et pour m’expliquer, je vais me référer à l’édition Pocket que j’ai entre les mains.
Ce roman commence par deux décès. Pas drôle, mais jusque là ça tient la route. Un an plus tôt, Diane a perdu, dans un accident de voiture, sa fille et son mari. Elle ne peut se remettre de cette tragédie et ne sort plus de chez elle malgré les efforts de son ami Félix pour l’aider à reprendre une vie normale.
Un jour, Diane décide soudain de quitter sa vie parisienne et de s’exiler en Irlande, pays que son défunt mari rêvait de découvrir. Et la voilà qui abandonne tout, prend ses valises et atterrit à Mulranny, petit village irlandais perdu dans le comté de Mayo. Je vous mets une petite vidéo pour vous montrer combien la côte irlandaise est magnifique. De toute façon, le pays entier est superbe. Déjà, ça donne envie de partir. De tout quitter.
Donc, jusqu’au départ de Diane pour Mulranny, tout va bien pour moi. C’est la suite qui m'a franchement exaspérée. Attention, si vous avez des envies de lire ce roman, arrêtez là la lecture de mon article car ce qui va suivre va forcément vous en gâcher la lecture ! Attention spoilers !
Lorsque Diane prend sa voiture de location à l’aéroport de Dublin, elle cale systématiquement. Sous l’œil goguenard des loueurs. Quelle quiche n’a pas réalisé que si la conduite se fait du côté opposé, il est évident que la boîte de vitesse l’est aussi ! Mais arrêtez de nous prendre pour des nouilles, Agnès ! Et puis de même, ce n’est pas parce que vous êtes incapable de changer un fusible (page 60) que toutes les filles sont aussi quiches que vous !
Une fois arrivée à Mulranny, Diane fait la connaissance d’Aby et Jack, un couple charmant à qui appartient le cottage qu’elle loue. Aby et Jack ??? Là, je reste dubitative ! Je n’ai JAMAIS entendu des noms pareils en Irlande. Donnez-moi du Eoin, Cuan, Oisin ou encore Shioban mais Aby et Jack ? Des prénoms à consonance tellement British que j’ai du mal à y croire. Surtout que page 47, Aby tient bien à informer Diane que « n’oublie jamais que nous ne sommes pas anglais » ! Incroyable. Et du coup, l’Agnès en rajoute une couche quand Edward fait son apparition. Edward ?!?
Pour éviter de vous dire de grosses bêtises, j’ai profité d’une soirée au pub pour consulter nos amis irlandais. Et Dieu sait qu’il y en avait ce soir là. La preuve est formelle, il est absolument impossible que des gens d’un certain âge comme Aby et Jack aient été appelé ainsi. Quant à Edward, il aurait tout simplement été prénommé Ned si ses parents avaient eu une inclination quelconque pour la culture britannique. Mais évidement, Ned ça fait moins sexy qu’Edward !
Maintenant passons au bilinguisme de Diane. Miracle ! Page 43, Diane débarque donc chez le loueur de voiture et déclare « j’avais réussi à comprendre mon interlocuteur – en dépit de son accent à couper au couteau… ». Agnès, je vous l’accorde, ce n'est pas facile surtout quand on débarque tout frais de Paris sans avoir jamais mis les pieds en Irlande. Il faut du courage ou être tombé dedans quand on était petit. Page 55, elle réitère en disant « il fallait que je travaille mon accent ». Donc on comprend très vite que pour Diane, il va y avoir de grands moments de solitude au niveau du dialogue. ET pourtant, la voilà qui n'a absolument AUCUNE difficulté, lorsque complètement bourrée, à la sortie du pub, elle trouve les mots justes pour insulter Edward/Ned : page 99, je cite « protège tes bijoux de famille, connard ! ». Chapeau !
Cela fait plus de 20 ans que je côtoie l’Homme. L’Homme n’est certes pas irlandais mais briton et lorsque nous échangeons des petits noms d’oiseaux sous le coup de la colère, même après toutes ces années, il m’arrive de ne pas trouver mes mots et du coup je me mets a bégayer, ce qui évidement donne beaucoup moins de poids à mes arguments ! Mais Diane, oh miracle, après seulement quelques semaines dans un bled perdu d’Irlande, alors qu’elle sort très peu de son cottage, semble avoir acquis un vocabulaire très coloré. Et en plus sous l’effet de l’alcool. Une aberration.
Continuons dans le registre de l’alcoolémie. Diane fréquente pas mal le pub local. Normal, c’est là où va boire Edward/Ned, mais c’est également là où elle apprend à boire de la Guinness. Non seulement, elle découvre cette bière infâme (notez que c’est une remarque personnelle), mais cette fameuse soirée du Nouvel An, à laquelle elle ne voulait pas se rendre, elle se saoule tellement qu’elle pense que c’est une fameuse idée de prendre le volant sur les petites routes de campagne irlandaise, en plein milieu de la nuit. A ce stade là, c’est du suicide. Il me vient alors l’envie de la voir passer dans un fossé. Elle, et les cigarettes qu’elle fume à la chaîne. D’ailleurs, entre parenthèse, son addiction à la cigarette est particulièrement pénible. Inutile d'insister Agnès, on avait compris la première fois.
Pour en revenir à cette conduite en état d’ivresse, je le conçois, s’il lui était arrivé quoi que ce soit, Diane aurait été dans l’impossibilité d’insulter les bijoux de famille d’Edward/Ned et du coup, un chapitre entier tombait à l’eau !
Vous l’aurez compris, ce bouquin m’a sérieusement tapé sur les nerfs. Mais ce qui remporte le pompon, c’est ce stéréotype : les Irlandais sont des « rugbyman mangeurs de moutons et buveurs de bière brune ». Là, j'ai envie de lui faire bouffer ses carcasses de moutons et de lui plonger la tête dans la Guinness à l'Agnès. Ca lui plairait si je l’appelais mangeuse de grenouilles et buveuse de picrate ?
Moi je sais comment elle l’a écrit son bouquin. De son canapé, en fumant à la chaîne, en finissant les fonds de bouteille, en une semaine top chrono. Jamais, elle n’est allée en Irlande, ne fréquente absolument pas les pubs irlandais et Mulranny, elle l’a choisi en faisant tourner sa mappemonde et en posant le doigt dessus, au pif, au hasard. Retourne dans ton canapé Agnès !