Ras la plage, on s’embête !
Chez les 3xrien, entre vacances plage et vacances culturelles, y’a jamais photo. On préfère de loin les vieilles ruines, les toiles d’araignées, les trucs qui s’écroulent…. Le Nain, dégoulinant de sueur, ne rechigne en principe jamais devant l’Histoire, à condition bien entendu de lui promettre une séance piscine en fin d’après-midi ! Et à Penang, on s’est régalé, piscine comprise ! 6 jours d’arpentage de rues en pleine chaleur, mais quelles rues !
D’abord, 5 heures de route, embouteillages puissance 4, pour faire un tronçon qui en temps normal aurait pris 1h30. Au bout de ces 5 heures, perdu dans la jungle équatoriale : Kellie’s Castle.
Un petit château en pleine jungle commencé en 1915 par un Ecossais en mal de reconnaissance. Certains disent que ce château était un cadeau pour sa femme, d’autres affirment que William Kellie Smith voulait montrer à ses voisins que malgré ses origines modestes, il était parvenu au sommet.
Malgré des dettes considérables et l’héritage de sa femme qui prend du temps à tomber dans son escarcelle, William Kellie Smith fait venir 70 ouvriers de Madras, en Inde, pour construire ce que l’on surnomme à présent Kellie’s Folly (la sottise de Kellie). Pas question de se contenter d’un petit bungalow dans la jungle, Kellie est ambitieux, fait venir la plupart des matériaux d’Inde et prévoit même d’installer un ascenseur et de construire un cours de tennis sur le toit.
Seulement voilà, le pauvre meurt au Portugal, à 56 ans, des suites d’une pneumonie et son épouse quitte la Malaisie pour retourner en Ecosse, en laissant le château inachevé et à l’abandon. On peut à présent visiter les ruines de cet ambitieux projet que l’on dit également hanté par le fantôme de Monsieur Kellie.
Après cette escale culturelle, nous avons continué notre périple vers l’ile de Penang.
Penang est un état de Malaisie mais également une île. On la surnomme « La Perle de l’Orient ». Destination prisée des touristes, elle a un charme fou. Surtout sa capitale : Georgetown. En août 1786, le capitaine Francis Light, un Briton, débarque sur l’île et se dit qu’il y coulerait bien des jours tranquilles si seulement il arrivait à se l’approprier – au nom de sa majesté le Roi George III bien sûr !
C’est un aventurier qui ne doute de rien. Il propose donc au Sultan de Kedah, à qui appartient l’île, un marché consistant à offrir une protection militaire contre les Siamois et les Birmans menaçant Kedah en échange de Penang. Le Sultan s’empresse d’accepter et Francis plante les piquets de sa tente sur le territoire. Aussi, un peu pour empêcher les Français présents en Indochine et les Hollandais à Sumatra de lui piquer sa villégiature. Malheureusement pour le Sultan, Francis avait croisé les doigts dans son dos en faisant sa promesse, et il envoie balader le Sultan lorsque ce dernier lui rappelle les termes de l’échange. Ca se dispute, se chamaille, le Sultan essaie de reprendre son île mais Francis y a les pieds bien plantés. Que nenni, il ne cède pas mais finit quand même par accorder au Sultan une somme d’argent annuelle pour l'indemniser. Somme que Penang continue toujours à verser à l’état de Kedah. Environ 4 700 euros. Francis, comme la plupart de ses contemporains, finit par succomber à la malaria. A cette époque, il fallait être résistant.
L’immigration continue de Chinois du Fujian depuis le 19eme siècle jusqu’aux années 1930 explique la majorité d’origine chinoise. Penang est d’ailleurs le seul état de Malaisie sans majorité malaise. Et ca se voit ! Un cachet d’antan perdure parmi les maisons coloniales et les petites échoppes qui s’alignent dans les rues de la capitale que l’on s’empresse de préserver. Le patrimoine architectural de la ville est immense et c’est d’ailleurs pour cette raison que Georgetown est à présent classé au patrimoine de l’UNESCO.
En 6 jours, nous n’avons certes pas tout vu, mais nous nous y sommes appliqué ! Nous avons découvert :
Le temple chinois de Hainan et son Ancestors’ Hall, un lieu sacré, réservé aux membres du Clan de Hainan et que nous avons découvert grâce à un guide tellement amical qu’on lui aurait fait la bise en partant.
Un hall du culte des ancêtres est un lieu où l’on vient régulièrement rendre hommage à ses ancêtres, sans pour autant être obligé de se déplacer dans le cimetière où ils sont enterrés. C’est pratique, vous les avez tous sous la main. C’est Confucius qui a inventé le concept pour encourager la piété filiale. Chaque ancêtre est représenté par une tablette affichant la photo du disparu. Et chaque tablette est rangée par ordre de décès. Les plus vieux au fond et les plus récents sur le devant de la scène. Je ne peux malheureusement pas vous montrer de photo car notre guide ne nous l’a pas permis.
Les petites rues de Penang et les façades des maisons :
Des hôtels :
Des bâtiments gouvernementaux :
L'Hôtel de ville
La Cour de Justice
Les bureaux de l'immigration
Les faïences décorant les façades :
Les carreaux des devant de porte :
L’art graphique qui s’affiche sur les murs de la ville :
Le calme du cimetière protestant dans lequel est enterré le fameux Francis :
L’hôtel Eastern & Oriental, plus connu sous le nom de E&O Hotel, ouvert en 1885 par les Frères Sarkies :
Les demeures coloniales superbement restaurées :
La maison de Cheong Fatt Tze, plus connue sous le nom de Blue Mansion (Maison bleue) du fait de la couleur de ses murs. C’est en 1880 que cet homme d’affaires chinois, ancien coolie, fait construire cette demeure de 38 pièces, 5 cours intérieures pavées de granite, 7 escaliers et 220 fenêtres pour ses 8 femmes et ses enfants.
La Blue Mansion a été construite selon les règles strictes du Feng Shui. Sa cour intérieure principale reçoit directement l'eau de pluie, favorisant ainsi la prospérité - le chiffre 8 (symbole de la félicité et chiffre porte bonheur) : ses 8 femmes, les 8 années de construction de la maison.
Son architecture est raffinée. Elle mêle harmonieusement les styles chinois et occidental. On peut y admirer des vitraux Art Nouveau, des portes sculptées, des carrelages et un escalier importés d'Ecosse, des frises en mosaïque (à partir de débris de bols en porcelaine). Quant à sa fameuse façade bleue, elle résulte d'un mélange de chaux et d'un colorant naturel issu de la plante indigo très populaire à l’époque coloniale.
Sa restauration, qui date des années 90, a été récompensée par le titre " Most excellence heritage conservation", attribué en 2000 par l'UNESCO et elle a servi de décor pour le film "Indochine" en 1992.
La maison Pinang Peranakan : Peranakan est un mot malais signifiant « né sur le sol ». Il évoque les descendants des premiers Baba Nyonyas. Les Babas sont des hommes émigrés du sud de la Chine qui ont fui la pauvreté et qui se sont refugiés en Malaisie. Ces hommes venus seuls, se sont installés et ont épousé des femmes locales.
Les Nyonyas sont des malaises, des locales, non musulmanes, qui ont épousé ces émigrés chinois. De leur union est née une véritable culture. Les Peranakans ont adopté les traditions malaises mais également le style de vie des Britons au temps des colonies. La maison Peranakan est la reproduction d’une maison typique d’un Baba de l’époque.
La Suffolk House : Peut-être ma préférée, cette maison était celle de Francis, le Briton culotté ! Mais cette maison, c’est surtout une grande histoire d’Amoooooouuur entre Francis et Martina.
Martina, c’est la fille adoptée du Sultan de Kedah. Parce que non seulement Francis lui pique son île au Sultan mais aussi sa fille. Ben vouai, deux pour le prix d’un ! Bon, je vous ai dit sa fille, mais en fait, Martina est une des épouses du Sultan. Seulement voilà, le Sultan est un vieux machin, il a déjà plusieurs épouses et sa descendance est assurée. Martina est jeune, sa mère est siamoise, son père portugais et convenons-en à une époque où les alliances avec ses ennemis comptent plus que les convenances, Martina est une arme de poids. Comme elle est catholique, on ne lui demande pas de se convertir. Ce qui fait qu’on l’appelle enfant adoptée. Et ça fait bien l’affaire du Francis.
On l'appelle MARTINA ROZELLS pour accentuer et mettre en valeur son identité européenne et elle garde sa religion catholique. Dans la littérature, on la trouve souvent appelée La Princesse du Kedah. Le Sultan présente Martina à Francis et ba boum, THE coup de foudre ! Ils vont vivre ensemble pendant 22 ans, jusqu'à la mort de Francis. Ce dernier lui lègue, ainsi qu’à ses 5 enfants, tous ces biens. Mais attention, elle n’aura rien ! Pourquoi ?
D’abord, elle est demi caste. Aujourd'hui, on dirait qu'elle est eurasienne, mais au 18eme siècle, on la regardait de haut dans la communauté des Britons coincés.
Ensuite, Francis était un officier anglican de l'église réformée d'Angleterre qui n'avait aucunement la possibilité de se marier avec une femme catholique.
Et puis, c’était une " locale" et la pression sociale associée avec un officier britannique l’empêchait de l’épouser. Il avait le droit d'avoir "des relations" avec des dames du pays, de prendre une maîtresse, mais pas de lui apporter la naturalisation britannique par le mariage. Et enfin, il aurait perdu sa réputation et à la suite son travail s'il avait annoncé officiellement qu'il était marié avec Martina. Voilà pourquoi, la pauvre n'eut rien.
Penang Hill (5km de montée à 30%) et sa descente en jeep
La musique dans le Jardin Botanique :
Et la nature tout simplement :
En bonne compagnie bien entendu !
Raoul