Les femmes et les enfants de moins de 18 ans ne sont pas autorisés
Ca commençait bien ! Et bien, non justement, c’était la fin, la fin de la visite guidée de Merdeka Square, la place de l’indépendance à Kuala Lumpur.
Revenons un instant en arrière, à l’époque où on se déplaçait en rickshaw et la climature n’existait pas.
Explorons le quartier historique de Kuala Lumpur, revenons à l’endroit où la ville a pris naissance, là où les cultures, les couleurs et les croyances se sont mélangées – et se mélangent encore – pour donner sa véritable identité à la capitale de la Malaisie.
Remontons dans le temps, bien avant que les Britons ne débarquent et ne fassent la loi. Laissez-moi vous racontez-ça façon « Fille Ainée ».
Dans les années 1820, quelques Indonésiens de Sumatra décident d’aller voir ailleurs si j’y suis et traversent allègrement le Straits de Melaka. Au début, c’est un peu le bazar, personne n’est vraiment aux commandes. Et puis en 1857, Raja Abdullah, le chef malais de l’époque décide d’envoyer 87 chinois explorer les rives du Klang, la rivière qui passe dans son jardinet afin d’étendre son territoire et par la même occasion trouver de nouvelles mines d’étain.
Au bout de 3 jours, ces pauvres mineurs chinois arrivent à l’endroit qui va devenir Kuala Lumpur mais qui pour le moment ressemble à un marécage au milieu de la jungle. Bon, on ne peut pas dire que tout allait en leur défaveur puisque au lieu de mettre 10 à 15 jours en saison sèche, ces chinois ne mirent que 3 jours. En saison des pluies, ça coule tout seul.
Donc les voilà arrivés. Mais où s’installer ? Comme il n’y a pas assez de profondeur dans la rivière pour continuer en bateau, les chinois descendent et marchent. Ils se font bouffer par les moustiques et les sangsues, c’est la jungle, il faut sortir la machette. Il y a du en avoir un qui a dit à ses copains « j’en ai ras-le-bol, on s’arrête là ». Et là, c’est à la confluence des rivières Klang et Gombak.
Kuala Lumpur signifie « estuaire boueux ». Et pour cause ! En moins d’un an, seuls 18 mineurs chinois survivent au camping des Flots Bleus. Mais ca ne découragent pas les autres, ceux qui les suivent, avides de richesses et d’espoir de vie meilleure. Et ceux là aussi se font bouffer par les moustiques, les sangsues, succombent à la malaria, le fièvre dengue et le choléra, perdent tout dans les incendies et les inondations. Bref, c’est pas le Club Med !
Entre temps, en 1824, les Britons jouent au jeu des 7 familles avec les Hollandais et échangent Benncoolen à Sumatra contre Malaya. Ils avaient du zieuter un truc et les autres n’ont rien vu venir !
Sur ce, un p’tit chinois de rien, Yap Ah Loy, débarque à Malaya à l’âge de 17 ans. Il est jeune, il est fort et surtout, il en veut. On lui a promis de grandes choses et il fait tout pour y arriver. Il commence comme laboureur puis devient cuisto, vend ensuite des cochons puis enfin monte les échelons d’une secte chinoise ultra secrète.
A ce moment, on trouve dans le village du futur Kuala Lumpur, 1 000 chinois, 500 à 700 Malais et des Britons. Et ca ne se passe pas très bien. Les Hakka et les Hokien (deux groupes ethniques chinois) se tapent constamment dessus, se sont de constantes petites guéguerres qui exaspèrent les Britons qui décident alors de nommer un administrateur. Et puis surtout, c’est qu’on n’avance pas ! Yap Ah Loy devient donc, en 1868, le 3eme Kapitan de Kuala Lumpur. Et là ca ne rigole plus. C'est le Zorro de l’époque. Sauf que de Zorro, il n’a que le cheval parce que tout le reste laisse un peu à désirer !
C’est un parieur invétéré, il fume de l’opium et le distribue allègrement et puis il aime jouer avec les filles du quartier. Mais c’est quand même lui qui va remettre de l’ordre dans la ville et transformer Kuala Lumpur en une ville minière très prospère. Et puis surtout, il s’entend très bien avec les Britons du coin et vas-y que j’t’echange des bons services « tu m’donnes ce bout de terrain, j’te nettoie tes rivières ».
Voilà donc résumée simplement, la naissance de Kuala Lumpur. La capitale de la Malaisie est riche en histoire mais malheureusement le progrès détruit petit à petit ces témoignages culturels. Les Malais, friands de modernisme en oublient de préserver le passé. Les bâtiments historiques sont consumés par le délabrement et il devient de plus en plus coûteux de les faire restaurer. Cependant, pour faire prendre conscience de la nécessité de préserver cet héritage culturel, la mairie de Kuala Lumpur organise, trois fois par semaine, des visites guidées gratuites de la ville.
Nous avons commencé par la Kuala Lumpur City Gallery qui était à l’époque l’Imprimerie gouvernementale.
C’était là qu’étaient imprimés la feuille de chou locale, mais aussi les documents officiels et les billets de train ! Monsieur J. Russell, en charge de l’Imprimerie, est un homme influent car il connait tous les potins de la ville et c’est lui qui décide ce qui va être imprimé ou ce qui doit resté sous le manteau. Vaut mieux l’avoir dans sa poche, celui-là.
A côté de l’Imprimerie, se trouve l’ancienne Chartered Bank.
C’est à présent un restaurant. Le problème avec cette banque, c’est que la chambre forte se trouvait au sous-sol et que les inondations étaient nombreuses. En 1926, lors d’une grosse crue, Kuala Lumpur est sous les eaux, les employés de la banque ont de l’eau jusqu'à la taille et les billets au sous-sol nagent, apprennent le crawl et sortent les bouées.
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Qu’à cela ne tiennent, dès que les eaux se retirent et qu’il fait beau, on sort les billets et on les met à sécher sur la pelouse, devant la banque. Attention au p’tit coup d’vent !
Nous traversons la rue pour nous rendre dans le bâtiment qui abrite à présent le musée du textile.
Construit en 1896, c’est dans ce bâtiment que se trouvaient les bureaux de la société ferroviaire « Federated Malay States Railways ». L’architecture est de style islamique et Moghol.
Derrière le musée, se trouve le pont le plus vieux de toute la ville, le « market street bridge ». On y voit encore de vieilles échoppes qui si elles ne sont pas rapidement restaurées et préservées tomberont bientôt en poussière.
C’est de ce pont, que l’on peut voir le lieu de naissance de Kuala Lumpur, à l’endroit où se trouve maintenant Masjid Jamek, la plus vieille mosquée de la ville.
Nous longeons le Gombak, passons derrière le Sultan Abdul Samad Building, à présent siège du Ministère de l’Information, de la Communication et des Arts et qui, avant la construction des tours Petronas, était le symbole de la Malaisie.
C’est également un des premiers exemples de l’architecture Moghol en Malaisie. La tour de 41 mètres de haut, avec son horloge, vient directement d’Angleterre ! Mais à l’époque, ce bâtiment abritait la cour de justice et c’est là que s’est déroulé le procès le plus retentissant des années 1910. Celui-ci dure 10 jours et attire énormément l’attention. Une première : des Britons lavent leur linge sale en public !
En Avril 1911, Esthel Proudlock (quel nom !), épouse de Monsieur Proudlock, proviseur de la très prestigieuse école de garçons, la Victoria Institution, reçoit, un soir, en l’absence de son mari, la visite d’un homme. On retrouve ce dernier quelques minutes tard, au pied de l’escalier de Monsieur et Madame Proudlock, le corps troué de balles que Madame finit de trouer avec 4 balles de plus !
Que s’est-il passé ? A t-il tenté d’abuser d’elle, comme elle le prétend ? A t-il refusé de sortir les poubelles ? S’est-il mal tenu à table ? Nul ne le sait et ne l’a jamais su. Mais ce qui est certain, c’est que les incohérences de l’alibi de Madame Proudlock font qu’elle se retrouve en prison où elle y reste 5 mois avant que l’opinion publique qui a pitié d’elle et surtout son mari ne l’en fasse sortir. Elle est acquittée, prend la fuite vers l’Angleterre et ne remettra jamais les pieds en Malaisie. « Va t’en vilaine » ! Somerset Maugham en fait une pièce de théâtre « The Letter ».
Passons ensuite dans l’ancienne mairie qui abrite de nos jours le plus vieux théâtre de la ville. L’intérieur a été détruit par un incendie en 1992 mais a été restauré.
A côté du théâtre, se trouve la cathédrale Sainte Marie mais Notre Dame n’a rien à craindre. Cette toute petite structure ne pouvait accueillir que 50 personnes.
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Nous finissons notre visite par le Royal Selangor Club, la Mecque du colonialisme briton de l’époque.
Fondé en 1884, c’est là que les expatriés se retrouvaient pour boire un verre, manger des sandwichs au concombre et boire le thé en levant le petit doigt. Et surtout pour jouer au cricket !
A son ouverture, les femmes n’y étaient pas admises et elles ne le sont toujours pas au Long Bar. Mais pourquoi donc ?
La raison invoquée par ces messieurs étaient que c’était un lieu où ils se réunissaient pour boire, ce qui les rendaient agités et lorsqu’ils regardaient les matchs qui se déroulaient sur la pelouse devant le bar, il se pouvait qu’ils perdent le contrôle d’eux-mêmes et ne désiraient pas que ces dames assistent à cette exubérance. Mouais, glauque comme excuse !
Le Club fut vite surnommé « the Spotted Dog » (le chien à pois) car la femme d’un des membres fondateurs arrivait toujours avec ses chiens – deux dalmatiens – qu’elle attachait dehors, à l’entrée. On dit aussi que son surnom lui aurait été donné en raison des règles d’admission qui ne faisaient aucune distinction entre race et classe au niveau des membres mais la plupart des Malais et des Chinois évitaient cependant le Club. Il y avait donc beaucoup plus de « blancs » que de « couleur » au sein des membres.
Personnellement, j’ai trouvé que ce Club qui se dit « select » a perdu de son cachet. Il y fait sombre, les moquettes sentent le renfermé et auraient besoin d’un bon coup d’aspirateur et rien ne me tente plus que de mettre le pied au Long Bar, histoire de secouer un bon coup ce traditionalisme démodé du siècle dernier.
Voici donc comment se termine notre visite de Merdeka Square.
C’est sur cette place que le 31 août 1957, le drapeau britannique est baissé pour laisser flotter à sa place, à 95m du sol, le drapeau de la Malaisie. C’est la fin d’une grande époque, de l’emprise britannique sur le pays. La pelouse sur laquelle jouaient les Britons au cricket ne voit plus passer que les touristes et les commémorations.
J’espère que vous avez aimé la visite et que vous êtes prêts à me suivre dans la prochaine. Et n’oubliez pas le guide à la fin !