Mais bon sang, qu’ont-ils tous ces gens qui veulent à tout prix me vendre un vasistas ou une étude sur le réchauffement climatique de ma salle de bain !
Ça n’arrête pas ! C’en est même devenu indécent. Je ne sais pas comment vous faites pour y échapper mais depuis que je suis arrivée dans nos pénates provençales, le téléphone sonne sans arrêt.
Il est vrai que pour le moment je suis seule et que je pourrais avoir envie d’un peu d’interaction humaine mais franchement si c’est pour parler à Carla de réunion beauté ou Césario de mon plan épargne logement, là non merci !
J’avoue que c’est un phénomène auquel je suis peu habituée. Dans nos pénates tropicales, nous n’avons pas de ligne fixe. Nous communiquons uniquement avec nos téléphones portables et il aurait perdu la tête celui qui voudrait me vendre quoi que ce soit. I y a juste la banque qui m'appelle de temps en temps pour vérifier l'authenticité d'un achat. Donc du coup, la Carla, elle peut se rhabiller ! Sauf que, ici… c’est toute une histoire ! Alors, il faut inventer des parades.
Dring dring ! Ça sonne bien évidement au moment du déjeuner ou pendant la sieste ou quand t’es aux toilettes ! Tu cours pour répondre en pensant que c’est sûrement hyper important surtout que tu attends cette livraison d’un maillot de bain que tu as commandé des années lumière et qui vient de Chine (tu t'es fait avoir c'est pas possible !) et là, grosse déception !
Petit silence non anodin au bout de la ligne qui signifie que la Carla, soit elle est occupée à bafouiller son texte avec un autre quidam, soit que la ligne a un léger délai de connexion dû au fait que la Carla, elle t’appelle pas du village à côté !
Dans la majorité des cas, je raccroche. Mais quelques fois, par curiosité et surtout, on ne sait jamais mais c’est peut-être mon maillot qui m’appelle d’Orient, je tiens le coup. Juste histoire de ricaner et surtout pour donner matière à cet article. Parce que, figurez-vous, tout ce qui va suivre est du vécu.
Dring dring ! Hello (parade numéro 1 : répondre en anglais). Moment d’hésitation de la part de Carla. Vous êtes Madame G ? Yes I am Madame G (genre j’habite en France depuis plusieurs années mais j’ai jamais fait l’effort d’apprendre la langue). Le ton monte d’un seul coup. La journée de Carla a visiblement mal commencé et elle m’en veut à mort, à moins que quelqu’un lui ait déjà fait le coup. Can’t you speak French ? Et oui, Carla maîtrise elle aussi la langue de Shakespeare et tient à me le faire savoir à moins qu’elle n'ait voulu me piéger. Dommage pour elle, moi aussi je speak English !
Dring dring ! Madame G ? Ah non, vous faites erreur. Bonjour, je suis Carla de Plus Belle que Moi tu Meurs. Nos appels ne sont pas personnalisés, donc je me permets de vous appeler pour vous inviter à une réunion Si tu ne fais Rien tu seras Laide plus Tard. À quel nom dois-je envoyer l’invitation ? Mais Carla, si tu m’envoies l’invitation qui était réservée à Madame G, qu’est-ce qu’elle dira quand elle apprendra que j’y suis allée à sa place ? Carla, en reste sans voix.
Dring dring ! Madame G ? Oui. Bonjour, je suis Césario de Tout ce que tu Veux dans la Vie, c’est une Assurance Vie. Je me permets de vous appeler parce que vous avez moins de 60 ans… Ah non Césario, vous vous êtes trompé, j’ai 86 ans. Césario est loin d’être dupe mais il n’en reste pas moins poli. Vous avez une voix jeune Madame G ! Oh merci jeune homme. Je fais beaucoup de sport voyez-vous. Pour m’entretenir et surtout draguer dans les bars. Césario, à ce moment là de la conversation, s’étrangle de rire et nous finissons tous les deux bons amis. Mais bon, je ne sais toujours pas pourquoi il m’appelait.
Dring dring ! Madame G ? Oui. Bonjour je m’appelle Césario d’une Fenêtre qui s’la Pête. Ah Césario, je vous arrête de suite, j’habite dans une yourte. C’est lui qui raccroche !
Dring dring ! Madame G ? Oui. Bonjour je m’appelle Carla de Panneaux Solaires, t’en as tout l’Air. Mais Carla, que voulez-vous que je fasse de panneaux solaires, ça fait trois semaines qu’il pleut ? OK là j’exagère parce que peut-être la Carla, elle sait que j’habite dans une région où il n’a pas plu depuis des semaines et que du coup tous les soirs, je suis obligée d’aller arroser les oliviers. Saloperie de réchauffement climatique !
Bon, j’ai donné de moi-même pendant ces quelques jours passés pour vous montrer à quel point la vie de Carla et de Césario peut être tragique. En effet, cela ne doit pas être marrant tous les jours de se faire raccrocher au nez par des gens qui sont sortis de la douche en courant pour répondre au téléphone (ça aussi c’est du vécu !). Par contre, celui qui m’a appelé à 6 heures du mat la semaine dernière, j’aurais ta peau un jour !