Revisitons nos classiques
Monsieur 3xrien et deux jeunes Nains cabriolants sont rentrés au bercail pour la rentrée scolaire, nous laissant, Grand Nain et moi, profiter d’une superbe fin d’été en Provence. De leur départ sont venus tranquillité et silence (un peu pesant parfois) et avec mon Nain nous occupons nos journées à faire de grandes balades, siester et lire.
A côté du grand lavoir, il y a toujours une caisse de livres voyageurs et c’est avec un plaisir non dissimulé que, presque tous les jours, je fouille et farfouille pour redécouvrir les écrivains de ma jeunesse.
J’ai commencé mon été avec Paul Vialard, que je ne connaissais pas. Un roman très rapide à lire qui aurait bien pu très vite tourner fleur bleue si ce n’était une écriture magnifique. Une histoire simple, sincère.
Flore et Lucien n’ont pas beaucoup d’argent mais ils s’aiment comme on s’aime depuis l’enfance, simplement, sans se poser de questions. La vie du bord de mer dans ce monde ouvrier a ses limites : de la place du village aux bords des falaises, en passant par la mine. C’est un petit village de France où la vie s’écoule paisiblement entre gens simples, habitués à peu mais profitant du bonheur ordinaire des gens qui savent savourer les petites choses, dans un monde rude.
Mais cette existence paisible va être bouleversée quand un inconnu arrive, un gars droit, franc, honnête.
La Maison sous la mer est un roman très daté mais qui respire le charme et l’authenticité. Je me serais cru, le temps d’une lecture, sur cette côte du Cotentin.
Puis ensuite, j’ai trouvé Bernard Clavel, un auteur dont je ne me lasserais jamais. Je croyais avoir presque tout lu de lui mais voilà que je découvre « Qui m’emporte ». Comment ai-je pu ne pas l’avoir lu ? Ou est-ce que l’on, par un curieux hasard, m’aurait gardé le meilleur pour la fin ?
Léandre Brassac vit avec sa femme Marie dans un vieux manoir dont il a hérité.
Quittant parfois sa ferme et sa femme, il fait une virée à Lyon, la grande ville où il prend du bon temps, goûtant largement aux vins fins et aux belles filles. Dans ce milieu interlope, lui dont on dit volontiers qu'il est misanthrope et qu'il a un sale caractère, il aime se mettre en avant, jouer les grands seigneurs, c'est pour lui une respiration, un entracte dont il a besoin pour repartir d'un bon pied. Il revient souvent avec de ces chiens perdus sans collier dont il peuple sa ferme.
Mais cette fois-ci, c'est une fille qu'il ramène chez lui, une fille dont il ne sait au juste d'où elle sort après une nuit blanche de beuverie, une prostituée sans repère. Et elle aussi, comme les chiens, s'installe dans la demeure avec Brassac et sa femme. Une certaine complicité va naître entre ces trois êtres si différents.
Et j’ai gardé le plus beau pour la fin : « Le voyage du père ». Une gourmandise pour les yeux. Ce n’est plus un roman, c’est de la poésie !
Dans un petit village du Jura, Noël approche. Chez les Quantins, on se prépare à la fête. Marie-Louise, leur fille, coiffeuse à Lyon, revient pour l'occasion. Mais ce matin le facteur frappe à la porte, apporte des nouvelles : Marie-Louise ne viendra pas.
La mère, Isabelle, se met en rogne et invective son mari, qui sous la pression de sa femme, se sent obligé d'aller à Lyon pour tenter de trouver une explication. Vingt ans qu'il n'y ait pas allé !
Mais à l'adresse indiquée, sa fille n'habite plus. On lui en donne une autre, mais elle n'est pas là. La concierge ajoute même que Marie-Louise ne rentre jamais avant le milieu de la nuit. Mais quel est ce métier de coiffeuse qui se termine si tard ?
Un roman où Bernard Clavel donne la part belle au monde rural : dur mais sain. Contrairement à la ville où pour lui tout est méprisable et malsain, où tout va trop vite, où les gens se croisent sans se regarder, sans se parler. Nous suivons les allées et retours de Quantin, aussi bien dans la ville à chercher sa fille que dans son esprit à remettre en doute son métier de coiffeuse.
Ce roman, c’est de la poésie pure ! Une description d’émotions où nous sommes sans arrêt balancés entre espoir et désespoir. Où est Marie-Louise ? Son père va t-il la retrouver ? « Le voyage du père », c’est en fait, l’ancêtre du thriller psychologique moderne. Il joue avec nos nerfs !
Dis Nadine, si après ça tu oses encore me parler de Bussi, je te dénonce au syndicat du mauvais goût pour lectures malsaines !