Voir Arles… et crever !
Savez-vous pourquoi on dit « voir Venise et mourir » ? Et bien, dans les temps anciens, il existait une petite île à côté de Venise qui s’appelait Morire. Et au fil tu temps, un peu comme le téléphone arabe, l’expression s’est déformée. Moi, par contre, j’aurais préféré éviter ! Laissez-moi vous raconter ma journée de vendredi.
Je me suis embarquée, hier, avec une voiture pleine de Nains sur la route d’Arles pour une belle journée en perspective. Tout allait bien, sauf qu’avec Monsieur 3xrien, on s’était un « peu » froissé au moment de la vaisselle du petit-déjeuner et que l’on ne s’adressait plus la parole. Mais bon, ça vous arrive aussi non ?
Mais voilà qu’à peine en chemin, la voiture derrière moi se met à klaxonner et à me faire des appels de phares. J’ose, un instant, penser que c’est à cause de mon charme exubérant ou la couleur de ma voiture mais en se retournant, mes Nains me disent que le conducteur cherche à me faire comprendre quelque chose. Moyen Nain (celui qui n’a pas de tête) ayant été le dernier à fermer le coffre, nous pensons tous que c’est parce que ce dernier est mal fermé (le coffre, pas le Nain). Je me range sur le bas-côté et le conducteur me crie « votre pneu arrière est à plat » ! Sacrebleu et crotte de mouche, mon pire cauchemar ! Et c’est en plus la première fois que cela m’arrive.
Ne nous affolons pas. Deux cas de figures se présentent à moi. Un, je me mets au bord de la route et j’use de mes charmes pour me faire aider. Problème, d’une, Monsieur 3xien est là (zut et rezut), de deux, je suis envahie de Nains et ça, ça gâche mes chances de rencontrer mon héro (ça ne vous ai jamais arrivé, vous, de rêver du Superman du pneu ?). Bon, Monsieur 3xrien propose ses services mais rappelez-vous que je ne lui parle PLUS. Non, je veux faire toute seule ! A moi le cambouis, la graisse et les traces noires sur ma robe d’été. Je ne lâcherai pas le morceau, c’est une question de fierté féminine. MLF, je rejoins tes rangs !
Bon, évidemment, ne désirant ni me donner un tour de rein en dévissant des boulons vissés par un malade de la visseuse électrique, ni me casser les ongles, j’ai quand même laissé Monsieur 3xrien me donner un petit coup de pouce (dans le silence le plus complet) mais ne le dites à personne. Petit arret ensuite, chez un professionnel de la gomme pour me réparer une valve fuyante, et nous voilà repartis sur la route. Sauf que, bien sur, c’est l’heure du déjeuner et que moi, le ventre gargouillant, je conduis mal.
Remise d’émotions et éveil des papilles, à Vaison la Romaine, dans un charmant petit restaurant caché dans une petite rue. Les Nains adorent. Ce que j’apprécie le plus, c’est le menu enfant. Pas pour moi bien sur, mais pour Petit Nain (les deux autres dévorent la Carte et me coûtent cher). Ras le bol des menus enfants steak haché frites ! Comment voulez-vous apprendre à vos Nains à apprécier la gastronomie française et éveiller leurs papilles gustatives si vous leur servez une semelle de cheval accompagnée de frites nageant dans l’huile rance ? Non, le restaurant proposait à la jeune génération magret de canard et moelleux au chocolat. Bravo !
Petit Nain n’en a pas laissé une miette ! Pour ceux/celles qui sont d’accord avec moi et qui veulent l’adresse de cette halte gourmande, c’est ICI.
Nous avons finalement digéré fini notre journée en explorant les petites rues et la ville médiévale,
en s’éclaboussant à la fontaine,
en dégustant des glaces en regardant les Nains faire de la balançoire
et en pataugeant dans la rivière,
celle-là même qui avait débordé en septembre 1992. Petite pensée pour ceux/celles qui avaient tout perdu.
Bon, et bien finalement, il avait bien raison Bizet. Nous ne l’avons jamais vu l’Arlésienne !
“Il s’appelait Jan. C’était un admirable paysan de vingt ans, sage comme une fille, solide et le visage ouvert.
Comme il était très beau, les femmes le regardaient ; mais lui n’en avait qu’une en tête, - une petite Arlésienne, toute en velours et en dentelles, qu’il avait rencontrée sur la Lice d’Arles, une fois. - Au mas, on ne vit pas d’abord cette liaison avec plaisir. La fille passait pour coquette, et ses parents n’étaient pas du pays. Mais Jan voulait son Arlésienne à toute force. Il disait:
- Je mourrai si on ne me la donne pas.
Il fallut en passer par-là. On décida de les marier après la moisson.Donc, un dimanche soir, dans la cour du mas, la famille achevait de dîner. C’était presque un repas de noces. La fiancée n’y assistait pas, mais on avait bu en son honneur tout le temps…
[...] Une fenêtre qui s’ouvre, le bruit d’un corps sur les dalles de la cour, et c’est tout… Il s’était dit, le pauvre enfant: “Je l’aime trop… Je m’en vais”.”
Alphonse Daudet, “Lettres de mon moulin”, L’Arlésienne, 1869