J'veux pas rentrer....
Comment définissez-vous une femme expatriée ? Vous savez, celle que l’on assimile en général à une sorte d’icône de la mansuétude. Celle qui pose délicatement son orteil manucuré sur un continent avec des yeux de biche apeurée, celle qui a mis sa carrière entre parenthèses pendant x années pour suivre son mari, celle qui s’est reconvertie à la peinture sur porcelaine et à l’arrangement floral pour éviter de sombrer dans le gouffre de l’ennui, ou qui donne de son temps libre à la Croix Rouge. Ben non, pas pour moi tout ça !
“Tu pars déjà en vacances ?”, La dernière qui m’a posé cette question à la sortie de l’école a failli se retrouver avec un coup de compas au milieu du front. Jalouse va ! Et bien oui, tous les ans, je pars, fin mai, avec Petit Nain pour lui permettre de passer un mois à l’école de village. Rien de tel qu’un petit séjour avec des loulous de l’Hexagone pour apprendre le vocabulaire absolument indispensable qui permettra à mon Nain d’évoluer avec aise dans les milieux huppés et de produire un effet bœuf pendant les grandes conversations dînatoires.
Mais attention, départ prématuré ne veut pas forcément dire option oisiveté. Même pour le reste des Nains qui eux ont sagement terminé leur année scolaire avec assiduité, ou du moins avec ce qu’il est resté de courage à des pauvres profs qui n’attendaient que le départ de leurs classes pour pouvoir s’échapper de l’enfer éducatif. Et on les comprend ! La preuve, on n’a qu’une envie, prendre le large le plus vite possible. Parce que la vie d’expat, c’est pas si chouette que ça !
Chaque été est pour nous l’occasion de se ressourcer, d’aller réparer nos poumons atrophiés. Pendant 3 mois, je troque donc l’habit de femme oisive et j’empoigne avec hargne le balai serpillière, je me fraye un chemin dans une pile de linge sans cesse grandissante, je me débats dans les affres de la confection de repas équilibrés, sains et colorés (j’attrape en général tout ce qui m’a si durement manqué toute l’année) et je tente de convaincre mes Nains que Maman est une déesse des affaires domestiques. Si si si, ma chérie, je sais repasser sans me casser un ongle ! On s’affaire, on s’agite, même les Nains mettent la main à la pâte.
Seulement voilà, il faut toujours une fin à tout. Et cette fin arrive toujours trop tôt pour nous les expatriés. Même si cette année l’été 2011 a été une véritable hécatombe, il faut refaire en sens inverse les kilomètres du mois de mai, ramener mes 3 kilos supplémentaires et ma cirrhose dans mon île chaude et humide parce que pas question de manquer THE rentrée scolaire !
Alors, c’est la course. J’emmène les Nains au supermarché acheter leurs nouvelles fournitures scolaires. Les feutres parfumés chimiques, les règles incassables qui cassent le deuxième jour de la rentrée, les gommes qui ne gomment pas, bref, ils s'en donnent à coeur joie, tout leur fait envie ! Et moi, en une toute petite semaine, je tente de boucler ma « To Do list », celle que j’avais dressé dans ma cuisine en arrivant en me disant, c’est bon ma fille, tu auras tout le temps. Ben justement, il est passé où le temps ?
Seule consolation, nous aurons toutes la même tête à l’école le 22 août, nous les super mamans expatriées ! Décalées horairement, ayant erré toute la nuit dans une maison vide par manque de sommeil – c’est d’ailleurs le moment parfait pour lire tous les magazines piqués ramassés dans l’avion du retour, rattraper les 2 mois et quelques de retard de courrier et faire le raid du frigo même si on s’est toutes promises de perdre nos petits bourrelets.
Et puis quelques jours plus tard, nous irons à nouveau poser nos orteils rouge rubis sur nos chaises longues de piscine, rendre le fer à repasser à nos Super Nannies, jeter l’éponge (pour de vrai) et penser avec nostalgie à toutes ces cigales qui nous attendent dans nos jardins (sauf pour celles qui sont allées s’enterrer en Bretagne sous prétexte que l’air de la mer donnait des couleurs à leurs gamins anémiques).
Mais je n’ai pas dit mon dernier mot…Jean-Pierre !