J’ai enfin repris mes petites marches dans la jungle et ce matin, j’ai un peu de mal à me lever de ma chaise. C’est qu’elle n’était pas douce cette petite côte, surtout en pleine chaleur ! Mais bon, ca va passer. Par contre, j’aimerais partager avec vous une de mes découvertes locales : le latex où plutôt l'hévéa.
Il m’est souvent arrivé de me promener et de rencontrer des arbres desquels pendent des sacs en plastique contenant une substance blanche laiteuse à l’odeur fort désagréable (ben oui, il a fallu que je mette le nez dedans !). Mais cekoidonc ? Ben du latex, pardi !
La Malaisie arrive en troisième place mondiale au niveau de la production du caoutchouc naturel. Attention, c’est du sérieux ! Et je suis étonnée même de ne pas avoir rencontré davantage de ces arbres au cours de mes promenades. Il faut savoir, cependant, que la récolte du latex est protégée car de nombreux « contrebandiers » se servent. On comprend donc pourquoi ils se cachent (les arbres et les contrebandiers bien entendu) !
Le caoutchouc est un matériau qui peut être obtenu par la transformation du latex sécrété par certains végétaux comme l’hévéa. Il provient en fait de la coagulation du latex. Sa collecte se fait par incision de l'écorce des troncs de manière à ce que le latex, issu des canaux laticifères, s'écoule dans des godets placés juste au-dessous.
Mais d’où viennent donc tous ces arbres ?
En 1876, un petit explorateur Briton malin, Sir Henry Wickham, vole au Brésil 70 000 graines d’Hévéa qu’il envoie ensuite au jardin botanique de Kew à Londres. En fait, ce n’est, à l’époque, pas du vol puisqu’aucune loi n’empêche de se servir, mais Riri veut se faire mousser auprès des filles.
Il récolte donc l'équivalent d'une tonne de graines. Seulement ce n’est pas lui qui se penche et se casse le dos pour les ramasser mais des Indiens recrutés dans la jungle qui les transportent à dos d'homme puis les emballent dans des feuilles de bananier séchées, elles-mêmes stockées dans des paniers en rotin afin de berner les douanes brésiliennes.
Ces graines voyagent par bateau jusqu’aux côtes de l’Angleterre puis en train de nuit spécialement affrété par le directeur du jardin botanique du Kew Garden, qui en prend livraison à Londres à 3 heures du matin. C'est louche tout ça ! Les graines sont immédiatement replantées dans les serres tropicales vidées de leurs collections, en toute hâte par les ouvriers du jardin. Malheureusement, seulement 4 % d'entre elles germent. Que de gâchis ! Ben oui, le climat londonien n’a vraiment rien à voir avec le climat tropical de la forêt amazonienne, même sous serre ! Moi, j’aurais pu lui dire au Riri !
Au mois d'août suivant, les premiers hévéas prennent la route pour Ceylan et vers des protectorats anglais en Asie. Onze jeunes plants arrivent au Jardin Botanique de Singapour où, en 1877, Henry Nicholas Ridley, le directeur du jardin botanique de Singapour, met au point une méthode de croissance rapide afin d'assurer la reproduction des arbres. Le coup du Riri, surnommé par les barons du caoutchouc brésilien «le bourreau de l'Amazonas», entraîne alors une vaste concurrence mondiale.
En 1882, les hévéas sont plantés en bord de routes à Bornéo pour faire de l’ombre. Les locaux n’en voient pas vraiment le potentiel. Et ce n’est qu’en 1896 que naît la première plantation. Et là, c’est la mine d’or pour les européens (la plupart des Britons) qui regardent travailler les locaux en récoltant le fruit de leur labeur !
Bon, et la récolte du latex, alors, comment ça marche ? Eh ben, c’est très simple.
Vous prenez une graine d'hévéa, vous la plantez et dès que le tronc de l’arbre atteint un diamètre de 45 cm (en général au bout de 5 ans), vous vous jetez dessus. A environ 1m30 du sol, vous faites une incision à 30°, du haut à gauche vers le bas à droite, dans l’écorce de l’arbre. Attention, celle-ci ne doit pas être trop profonde. Il s’agit de ne retirer que 2 mm d’écorce. En dessous, vous enfoncez une « gouttière » qui canalise le latex dans un bol ou un sac en plastique.
Ces incisions (« tapping » en briton) se font tôt le matin ou tard dans la soirée lorsque la pression à l’intérieur des vaisseaux est la plus élevée.
Les 2 premières années, vous pouvez inciser une fois tous les 3 jours puis les années suivantes, tous les 2 jours. Lorsque la coulée de latex stoppe, incisez plus haut ou de l’autre côté du tronc. L’arbre « pleure » en général 5 ans jusqu'à ce que son écorce repousse sur les incisions. Il peut être ainsi exploité 20 à 25 ans.
Lorsque le bol/sac est plein, on vient récolter le latex que l’on pèse et que l’on emmène à l’usine de traitement. Attention, il ne s’agit pas de traîner en chemin car le latex durcit.
Lorsque l’arbre a enfin fini de « pleurer » son latex, il sert à fabriquer des meubles très légers qui ne craignent pas les moisissures. Pas de champignon sur la table du salon !
Il a eu une idée de génie le Riri, hein ! Et puis, il a du s’en mettre plein les poches. Et bien malheureusement non ! A la suite d’explorations malheureuses, il se trouve très souvent à la tête d’énormes dettes qui le contraignent à rentrer en Angleterre. Sa femme, lasse de la jungle amazonienne et de ne pouvoir prendre le High Tea avec ses copines le quitte et il ne la reverra jamais. Ce sont d’autres qui en ont profité !
Bon, pour finir sur une note un peu plus joyeuse, et pour les beaux yeux de Nadine : une bébette junglesque !
Chouette, non ?