Voilà 6 mois que je suis dans ma nouvelle maison. 6 mois que presque chaque semaine, je vois défiler des ouvriers pour boucher les fuites du toit, repeindre les taches d’humidité sur les murs, remplacer des serrures de volet, tenter de réparer le chauffe-eau pour que nous puissions, même par temps gris, avoir de l’eau chaude (je me suis depuis bien longtemps résignée aux douches froides mais, me direz-vous, dans un pays où il fait 35 degrés tous les jours, la notion de froid est une notion très subjective), prendre soin du jardin, nettoyer la piscine… bref ca rentre comme dans un moulin chez les 3xrien. On n’est jamais tranquille.
Derniers travaux en date : le remplacement de la pièce en bois qui sert de dessus au coffrage dans lequel est encastré le four. L’imbécile qui a conçu le coffrage n’ayant de sa vie jamais touché à une casserole (je vous rappelle que j’habite dans un pays foncièrement misogyne), a « omis » de faire des trous d’aération pour laisser échapper la chaleur. Photo à l’appui, je vous montre ce que ca donne. Cela aurait pu être pire, croyez-moi.
Ce four, je me suis battue pour l’avoir. Comme il n’y avait de place que pour soit un réfrigérateur, soit un four, on m’a proposé d’aller cuisiner à l’extérieur. La bonne blague ! Comme je ne me voyais absolument pas rester sous la pluie pour faire cuire mon rôti, nous avons relégué le frigo dans le fond du garde-manger et j’ai obtenu mon four.
Un four de lilliputien, oui !
Surtout ne pas en mettre trop à la fois sous peine de ne pouvoir fermer la porte. Avant la Malaisie, je n’avais aucune idée qu’on pouvait les faire aussi petits. J’ai souvent pesté à chaque fois que j’ai voulu y faire rentrer un plat mais maintenant je l’aime ce four pygmée parce qu’il a failli changer ma vie.
Au bout de 6 mois, Madame proprio accepte de changer le dessus du coffrage et m’envoie un de ses experts es-cuisson : Raja ! Déjà le nom même de cet homme fait rêver. Raja, c’est le prince, le tout puissant, celui qui règne. De suite, on sent la force, la férocité animale de l’homme.
Raja arrive un jour sans s’annoncer. Ben oui, p’ôve fille, un tel homme est au-dessus de l’usage du téléphone. Raja arrive, Raja est reçu ! Lorsque j’ouvre la porte, et que j’aperçois Raja, je flanche. Mes genoux gélatineux ne me portent plus, je m’accroche comme une mite à son gilet au chambranle de la porte. Raja est là !
Il est d’une beauté saisissante : des traits bien dessinés, de hautes pommettes qui encadrent un nez droit, une mâchoire volontaire, des lèvres sensuelles. Ses cheveux noirs pommadés sont négligemment rejetés en arrière et lui confèrent une petite touche de sauvagerie qui loin de l’enlaidir le rend encore plus séduisant. Il a des yeux (deux d’ailleurs) presque électriques qui donnent à son regard une intensité troublante.
Fascinée, j’ai un instant le souffle coupé. Et lorsque, enfin, je me décolle de la porte et que je reprends ma respiration, les effluves épicés d’un after-shave raffiné (sueur de mouche) envahissent mes narines. Il émane de cet homme un charisme incroyable. Raja, mon héros !
Raja, d’une démarche chaloupée entre dans mon salon. Tout dans sa façon de se mouvoir, avec cette graisse grâce animale exprime l’autosatisfaction. "Je suis beau, regarde comme je suis beau", Raja est beeeeaaaauuuu.
Il me demande d’un air narquois ce qui cloche avec mon four. Je n’entends pas la question, j’ai les yeux rivés sur son T-shirt. Raja est littéralement moulé dedans. Le tissu tire aux coutures, peine à couvrir ses pectoraux. Raja est beeeeaaaauuuu. Je n’arrive pas à croire qu’un simple T-shirt blanc à trois sous puisse me faire autant d’effet. Le col en V laisse supposer une poitrine masculine velue et les muscles de ses bras qui dépassent des manches de ce T-shirt Monoprisant crient haut et fort "regarde comme nous sommes beeeeaaaauuuux".
Je retrouve mes sens, Raja me suit dans la cuisine et là il rit. L’Homme rit ! Quel bonheur. Il a le sens de l’humour. Il inspecte le coffrage, palpe, touche, caresse le bois, un frémissement me parcourt, j’ai l’impression de sentir son souffle chaud sur ma peau. Ah non, c’est le ventilateur du plafond que j’ai oublié d’arrêter ! Le moment est magique.
C’est à ce moment là que Raja se retourne et me sourit….Noooooooonnnn. Mais Raja, c’est quoi ça, dans ta bouche ? C’est le chaos infernal. Il en manque, certaines sont couchées sur leurs voisines, d'autres partent dans tous les sens et puis c’est quoi cette légère nuance de brun chocolat sur l’émail de tes quenottes ? En souriant, Raja a tout gâché et moi, je n’ai qu’une envie, partir d’un grand fou rire. Mais Raja n’a rien vu et continue à palper mon bois, caresser le grain, évaluer d’un œil de maître le coût de la réparation sans se douter que son magnétisme animal a cessé de me faire frémir.
Raja quitte enfin les lieux d’une démarche chaloupée qui crie "je suis beeeeaaaauuuu" et moi je m’accroche au chambranle de la porte pour éviter de hurler de rire avant qu’il n’ait franchi le portail. A l’extérieur, j’entends Raja, le roi de son T-shirt, démarrer son bolide sa caisse, une fois, deux fois, trois fois. Visiblement, comme le T-shirt, Raja a acheté une caisse à trois sous chez Monoprix !
L'émotion a été telle que Monsieur 3xrien m'emmène prendre l'air à Singapour ce week-end pour essayer de me faire oublier Raja. Mes émotions sont partagées. Dois-je vraiment l’oublier ou lui envoyer l’adresse de mon dentiste ! Oh mais suis-je bête ! Raja revient mercredi…on en reparlera !
Image cheerupdental